Appel de 19 présidents de régions et collectivités territoriales : « Pour la relance et la reconstruction, nous sommes prêts ! » – Le Monde

Estimant que la crise sanitaire a démontré l’agilité des collectivités locales, un collectif d’exécutifs régionaux exhorte, dans une tribune au « Monde », le président de la République à faire « le pari des territoires ».

Tribune. Au plus fort de la crise sanitaire, nos régions ont été partout en action pour mettre en œuvre des solutions au bénéfice de nos concitoyens. Elles ont tenu leur rôle d’une façon qui a été unanimement saluée. Lorsque la France manquait de masques, les régions ont su multiplier les sources d’approvisionnement pour en fournir plus de 120 millions aux personnels soignants, aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), puis aux entreprises. Elles ont ainsi démontré la force de leur agilité face à un Etat empêtré dans son centralisme et sa bureaucratie. Et elles l’ont fait dans bien d’autres domaines.

Chargées de l’éducation, les régions ont décuplé la capacité de leurs espaces numériques de travail, assurant la continuité pédagogique au lycée. Autorités organisatrices de la mobilité, elles ont établi les plans de transport pour permettre à tous ceux qui le doivent de poursuivre ou reprendre leur activité dans le respect des règles sanitaires. Surtout, en matière d’action économique, les régions ont répondu présent ! Elles ont engagé en deux mois plus de 1,7 milliard d’euros de dépenses exceptionnelles. Et cela alors que leurs recettes s’effondraient dans la même proportion.

Elles ont soutenu le réseau des TPE et PME, qui sont la force économique de nos territoires. Elles ont apporté des soutiens massifs à la trésorerie des entreprises. Elles ont mis en place des plates-formes de distribution, favorisant la mise en relation directe des producteurs et des consommateurs. Elles ont imaginé des fonds régionaux d’aide économique, qui sont venus compléter le fonds de solidarité mis en place par l’Etat, pour lequel elles ont mobilisé 500 millions d’euros.

Les régions ont montré leur capacité à fédérer l’ensemble des acteurs économiques, incluant les secteurs du tourisme, de la culture ou de l’économie sociale et solidaire. Elles sont à l’origine des partenariats nouveaux avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aussi avec les départements, qui n’auraient jamais pu découler d’une initiative nationale. Elles ont pris la main sur le terrain et ce dialogue permanent permet au président de Régions de France de porter, chaque lundi, la voix des territoires de nos dix-huit régions dans la task force économique nationale, pilotée par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire.

Réalités de terrain

La crise sanitaire a ainsi apporté la démonstration de ce que l’agilité des collectivités territoriales peut produire. Si les Français restent attachés à un Etat fort sur ses missions régaliennes, ils appellent de leurs vœux le renforcement des logiques de proximité. Dans la crise, ils ont pu compter sur l’engagement sans faille de leurs élus locaux, la connaissance intime que ceux-ci avaient des réalités de terrain, leur capacité de réaction, bien loin de la lourdeur et de l’uniformité de l’action de l’Etat central.

Prenant acte de ces résultats, nous, présidentes et présidents des régions et collectivités de métropole et d’outre-mer, appelons le président de la République à faire le pari des territoires, le pari de l’agilité, le pari de la confiance. Nous l’appelons à le faire, d’une part, en engageant un plan de relance et de reconstruction coconstruit avec les régions, et, d’autre part, en fixant une grande ambition décentralisatrice à notre pays.

Nous sommes prêts à nous engager dans des investissements massifs pour la relance. Nous sommes prêts à écrire avec l’Etat, d’ici à l’été, un accord politique pour cela. Nous sommes prêts à le mettre en œuvre au travers de la nouvelle génération des contrats de plan et à mobiliser massivement les fonds européens dont nous avons la responsabilité et qui se renégocient en ce moment, dans le cadre de l’accord européen établi par la France et l’Allemagne. Pour aller vite, nous sommes prêts à engager avec l’Etat sous trois mois les opérations déjà finalisées dans chacune de nos régions. Et nous sommes prêts à participer au Ségur de la santé, qui ne peut pas réussir sans les territoires, ces deux mois de crise nous l’ont prouvé !

Rétablir la confiance

Mais pour y parvenir, il faut des moyens. Si rien n’est fait, nos régions seront réduites à l’inaction du fait de l’effondrement de leurs ressources. Elles n’ont pas la capacité financière d’absorber ce choc. Leurs investissements pourraient chuter de 21 milliards d’euros d’ici à 2026. Elles ont besoin d’un mécanisme d’amortissement que seul l’Etat est en mesure de leur apporter. C’est la première marque de confiance que nous attendons. C’est ce que nous appelons le « pacte de Cahors inversé ». [C’est dans cette ville du Lot qu’a été instauré par la Conférence nationale des territoires du 14 décembre 2017 l’encadrement de la dépense locale, l’Etat s’engageant en contrepartie à mettre un terme à la baisse des dotations.]

Mais nous sommes prêts aussi pour une régionalisation active. C’est la seconde marque de confiance que nous attendons. Nous sommes prêts à hisser notre pays au niveau des autres grands Etats décentralisés en Europe. Nous sommes prêts à installer définitivement nos régions comme acteur territorial de référence pour la politique économique, fortes de la connaissance qu’elles ont des écosystèmes et de la confiance qui s’est établie avec eux.

Nous sommes prêts à ce que nos régions pilotent le service public de l’emploi pour lutter efficacement contre la hausse du chômage. Nous sommes prêts à reprendre le pilotage de la politique de l’apprentissage afin de sauver nos centres de formation d’apprentis et l’avenir de nos jeunes. Nous sommes prêts à faire des régions les chefs de file des politiques de transition écologique et à renforcer encore leurs compétences en matière de mobilités. Nous sommes prêts à une montée en puissance des régions dans l’organisation de notre système de santé publique, à l’image des autres pays européens, en lien avec le corps médical, les acteurs de la recherche et les autres niveaux de collectivités qui luttent contre les déserts médicaux…

Oui, nous sommes prêts ! Nous sommes prêts à rétablir cette confiance qui nous a tant manqué et marquer les relations de l’Etat et des régions du sceau de la modernité. Nous sommes prêts à le faire tout de suite, car les circonstances en ont montré la nécessité absolue et que le moment est historique. Nous sommes prêts car les choix d’aujourd’hui structureront notre pays pour de nombreuses années.

Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane ; Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France ; François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire ; Ary Chalus, président de la région Guadeloupe ; Loïg Chesnais-Girard,président de la région Bretagne ; Carole Delga, présidente de la région Occitanie ; Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté ; Daniel Gibbs, président de la collectivité de Saint-Martin ; Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du département de Mayotte ; Stéphane Lenormand, président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ; Alfred Marie-Jeanne,président de la collectivité territoriale de Martinique ; Christelle Morançais, présidente de la région des Pays de la Loire ; Renaud Muselier, président de Régions de France et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ; Hervé Morin, président de la région Normandie ; Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France ; Didier Robert, président du conseil régional de La Réunion ; Jean Rottner, président de la région Grand-Est ; Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine ; Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.